AL BATROZ 2021-01-15


Avril 2011
Je regarde les vagues et je comprends que ce ne sera pas facile. Mais, je ne suis plus si jeune mais j’ai encore un peu de temps pour trouver la sagesse. En fait, il me semble qu’il y a plusieurs choses. Il y a le défi à la nature, mais je vois aussi un coté plus spirituel dans mon projet. C’est certainement lié au fait que l’idée ne vient pas de moi ; c’est un héritage que je contribue à enrichir, même si je ne suis pas toujours certain du pourquoi et du comment. Je veux décoller et voler sur la houle, une lévitation fluide en quelque sorte.

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Il est heureux que je me sois trouvé un disciple, même si je n’ai rien d ‘un guru. Le jeune homme semble motivé. Peut-être qu’il me ressemble. Je crois voir en lui ce mélange de compétences et d’intérêt qui fait avancer les choses. Science et littérature. Da Vinci ; ce serait l’idéal. S’il a quelques affinités aériennes comme Lilienthal, Mac Cready ou Burt Rutan, ce sera bien.
Pour moi, l’expérimentation devient plus difficile.


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Difficile pour quelqu’un qui n’est jamais parti avec la vague, ou qui n’a jamais décollé sur ses pieds, de comprendre cette sensation. Etre porté par une force invisible. Y a-t-il quelque chose qui nous garde en vie, qui garde la vie et rend tout ceci possible, ou est-ce juste affaire de portance de profil et de calculs ? Lévitation du moine bouddhique ou supraconductivité et azote liquide ?
Sainte Thérèse d’Avila pour les catholiques pratiquants.


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Je le sens encore réticent par moment. La jeunesse probablement, qui veut tout comprendre. Je crois que je l’ai intéressé en lui parlant de l’« Aéolus race », cette course où des véhicules à hélice remontent le vent. Le coté anti-intuitif réveille parfois la curiosité des gens. Le bouddha s’éveille ! Dieu sait que je suis loin de la religion pourtant ! Sauf de l’écologie ; c’est politiquement correct, et sans cela je n’aurais pas de budget.

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Je me vois mal planer seul sur les montagnes d’eau du grand sud froid. Mais peut être qu’une houle d’alizé tropical ferait également l’affaire ? Les tests seraient plus agréables. On a encore le temps de tourner autour de la planète. Il faut préserver les rêves et les records à établir. Des chiffres ? Je cherche plutôt des sensations ; j’aimerais combiner le physique et le cérébral, avancer d’un cran, pour comprendre.





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Ecoulement laminaire, pression concentration. C’est bien beau mais pour partir sur la vague, il faut ramer. Pour décoller il faut courir ; certes avec l’aide du vent (de face) qui creuse la crête. Il faut la souplesse d’une pensée jeune, aux vertèbres agiles. Et à un moment, il faut bien que la transmission du savoir ait lieu d’une manière ou d’une autre. Pas de puce implantée sous la peau pour le moment. L’apprentissage de la sagesse est toujours lent : les livres sont épais et les mémoires ont leurs recoins de disque dur.



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« Retour vers le grand sud » : c’était son idée de baptiser le projet ainsi, pour le coté mystère, mystique qui sait. Pourquoi pas « l’albatros du Népal » ? J’ai peur du manque d’oxygène dans les montagnes. J’ai peur des hauts sommets, j’ai le vertige ; c’est pour cela que je glisse au ras des herbes et des eaux. Garder les pieds sur terre, ou à 30 cm au dessus maximum. « 0m mani padme hum »…Mais non.
Himalaya trop froid.
Les glaçons dans mon verre, ananas, mangues et papayes. Vahinés à volontés.



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Je me dis parfois que la rigueur de la recherche fait peur, mais c’est un cliché bien sûr. Je n’aime pas trop mettre de l’eau dans mon vin (millésimé) et je préfère les trajectoires tendues qui accumulent de l’énergie. Remonter au-dessus de la crête d’écume, voir le paysage de l’autre coté de la montagne, là où l’esprit aussi s’envole en flammèches de vapeur blanches arrachées aux nuages.
Il y a des cycles de vagues, des cycles climatiques, des cycles de vie. Je sens bien qu’un jour prochain, je vais changer, muter, déménager, me réincarner. Je sais qu’il faut y aller au bon moment, pagayer à fond vers le vide.

Où est mon petit bouddha ?






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Et si j’imaginais une inversion du sens de rotation ? En changeant les vents, les courants changent de sens. Que devient le sens de la vie ? Est-ce que je risque de me réincarner à l’envers ? Vieillir d’un seul coup, devenir un sage en route vers le Nirvana (dans le confort dû à mon age). Cauchemar impossible. Il faut vraiment que je m’en tienne à des projets concrets, que je maîtrise mon organisation du travail et mes pauses détentes (sans abuser d’alcool).

Evidemment une planète ronde ça donne envie de tourner autour. Des cercles (méridiens et parallèles), des cycles ….

Tiens finalement, je crois que je vais aller faire un petit tour en vélo.

Un albatros… pourquoi pas ? Mais il va falloir que je fasse un effort.

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D’où vient l’idée du « Retour vers le grand sud » ? Est-ce l’image de la pureté des glaces ? L’attrait des immenses étendues où courent les vents et les houles ? L’idée de liberté s’est glissée quelque part avec l’idée du vol. Il y a l’héritage du poète, et des cap-horniers. L’histoire des ailes de géants, l’oiseau piégé qu’il faut délivrer.
Notre civilisation n’a pas toujours traité la nature comme il faut. Il faut retrouver l’essentiel.

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De la rigidité, donc du carbone, un plan canard, deux poutres longitudinales renforçant un châssis coque dans lequel le pilote est allongé sur le ventre : il ne s’agit en fait que d’une planche de surf qui décolle grâce à l’allongement approprié de ses ailes, et à la puissance de la houle. Ensuite, il n’y a plus qu’à reproduire la sinusoïde de l’oiseau des tempêtes, sans trop de vent bien sûr.

Novembre 2018
Cinq bis
Je serai extravoguant un peu au-dessus des eaux
Sur les ailes d'un ange poisson volant en arabesque souple et fluide
Extravoyant des îles de couleurs aux criques nourricières
Où les embouchures d’aiguades chanteuses
Annoncent des vergers généreux
Où je cultiverai des souvenirs d'arts multiples
En compagnie des Muses et des nymphes
Atlantique Atlantide
Je serai au pays des nuages, à regarder les lapins blancs sur l'océan,
À guetter des sirènes
Et des fluides qui me porteront dans leurs courants inconnus
Vers Cythère.

janvier 2021 Kai Lenny en wing


Pascal Legrand

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