PERTUIS 2020-12-17

Pertuis
C'est en face : l'ouverture vers l'ouest.
Antioche, le Pertuis Breton, Maumusson.
Le danger, l'inconnu, et vogue l'aventure. Il y a des noyades à déplorer chaque année, dues aux bancs de sable et aux forts courants ; mais il y a aussi le calme du soir au mouillage à Gatseau.
Il y a l'Histoire, et mes repères, les abris, les vases ; il se crée une sédimentation de mes souvenirs. Quelques sépultures éoliennes flottent aux lumières changeantes.

Fort Louvois, fort Lupin, abbaye des Chateliers.
Tour Juliar, les Ilates, le Rocha, Chauveau.
Pierres sous le soleil, tableau en scintillements, cargos en attente.
J’évoque l’Antioche antique, et une épave, ses vagues, sa tour-grise.
Aux Baleineaux défilent les hauts-fonds d'algues, la conche,
Avec une respiration des ondulations, des oscillations des pendules-montres du temps
Qui passe lentement aux pointes, phare op’art annelé, ou à tête rouge.
Je voyage, par passage d'un monde vers d’autres,
Vers la haute mer, le plateau de Rochebone, la Gironde, ou Yeu ;
Vers le nord, le Spitzberg ou Labrador.
Attention aux courants d'air !
Il nous faut la protection des citadelles : le Château, Saint-Martin ;
Leurs murailles s’ornent de portes, à l’effigie du roi soleil.
La digue est détruite, Richelieu rouge,
De la tour de la chaîne, par la rue sur les murs je vais voir
La tour des quatre sergents, pointue, et plus loin le Lavardin rouge et noir.
Aujourd’hui s’ajoutent les arches et voussures des ponts,
Les tours jumelles de la cimenterie, les grues du môle, les pilotines,
Mais le Champlain et les bacs ont disparu.
Je mélange les bouchots, les claires, les filières jaune et noir,
Qui sont des ludions, des pions, des capsules, des gélules ;
Les chaînes rouillées, manilles, épissures, cordages,
Qui ancrent, tirent, amarrent ;
Les bons mouillages sont à l'abri des pointes, des bancs, des anses,
Où de lents carrelets descendent leur filet
Vers la plie, la sole, le mulet.
Coques et patelles se méfient des huitrier-pies aux pattes rouge-orange.
De noirs cormorans, queue arrondie, sèchent,
Veillant sur les balises cardinales.
Les étoiles de mer dessinent des roses des vents.
Compas et sextant s’aident de la cartographie nécessaire des banches
Habitées de crabes casqués, de crabes mous, d’araignées sans toile.
Je préfère le dégradé des verts bleu-vert aux bleu-noirs d'orage,
Dans les reflets des mirages, je devrais marcher sur l'eau, saluer les grains.
Près des rivages les senteurs des pins dérivent chargées de chaude résine odorante ;
Un blockhaus perdu dans l'histoire, vieillit de sable, béton-armé de rouille.
Oxydation victoire.
Des ancres à jas, futs de canon, bombarde ronde callipyge
Font décoration. Garnison évanouie ;
Fort, fortification, fort lointain.
Le champ de tir est effacé. Des missiles interstellaires
Occultent la dérive des continents ; odeurs de poudre,
De soufre, vers les amers noirs des clochers.
Le pétrole des soutes percées suinte
D’interrogations sans réponse aux tempêtes.
Défense à la mer. Mer défendue ?
Sur les cartes le trait de côte change,
Pour des embouchures, des marais, des falaises ;
Les ports deviennent Brouage, écho des âges.
Il reste des oies bernaches, des limicoles.
Les cigognes hivernent, les Ibis s'installent.
D’une vigie je devrais voir plus loin, pouvoir envoyer des messages.
Joli jour de mai,
Été chaud, vacances.
Le navigateur est parti dans la brume de chaleur, un brouillard d'advection qui passe,
Pour épousseter un souvenir léger, puis tailler la route, cap 270.
Au centre, une presqu'île. Toujours la marée, mort d’eau ou maline.
Je consulte les éphémérides, les tables HO 249,
De quoi faire le point, estimer la dérive,
Ne pas manquer les passes, vers des échouages, échouements,
Une souille ou des béquilles,
Sous les cupressus tordus, au pied des échauguettes droites ;
Sous les chênes verts, les yeuses, je trouve des plumes d'aigrettes ;
Le soir, en silence passent les escadrilles d'oiseaux blancs
Dans le couchant, leurs battements d'ailes régulier et lent,
Alors que les martinets, un autre jour, déchirent l'air de leur sabre aigu.

Les Palles, le Cornard, le banc Lamouroux.
Où est l'amour ? - Une autre histoire.


Pertuis :
Larousse : Sur les côtes de l'ouest de la France, détroit entre une île et la terre ferme.
Wikipedia : dans son acception la plus large, un passage entre deux obstacles ou permettant de traverser un obstacle.



Pascal Legrand

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