LES OISEAUX : PEINTURE ET ÉCRITURE 2018-10-08


J’ai vu un tableau de peintre (Tilman Eichorn) dans lequel figurent un fort, un cargo, la plage et un bassin. Vous le regardez et l'impression visuelle est immédiate ; l'interprétation, la lecture, que le spectateur en fait ne l'est pas. Je vais essayer de vous écrire quelques lignes dans le même esprit, de rassembler des images, dans le sens des aiguilles d'une montre.

En haut à gauche le bleu est assez intense, lumineux et profond ; du bleu d'été, alors que c'est déjà l'automne. Trois traits, pour trois îles : Madame, Oléron, Aix, avec une tache blanche pour la citadelle du Château éclairée par le soleil ; balayage du regard vers la forêt et le sable de la pointe des Saumonards, puis le rouge et blanc du phare d'Aix et de la tour porte-écran. Au niveau des bouées de la Charente la rumeur nait d’une multitude de points blancs, des milliers d'oiseaux, trop loin pour être identifiés, battant des ailes, se nourrissant peut-être de lançons ou d’éperlans. Certainement des migrateurs. Leur vol irrégulier apparaît comme un miroitement sur l'eau déjà scintillante. Je n'ai pas mon kayak sur la plage pour aller voir de plus près. Je filme une vidéo sur laquelle on ne voit pour ainsi dire rien. Le bruit s'entend à peine ; il marque en réalité le nombre, la distance et l'activité. Bleu/blanc.

En haut à droite, quelques jours plus tard, la rade du port Nord et ses bateaux au mouillage, éclairés par un soleil qui passe sous les nuages d'un suroit forcissant. il y a un petit groupe de mouettes, certaines rieuses, posé sur le sable ; et deux ou trois goélands marins qui font des taches noires de bonne taille. Sous le vent, à cause du bois de chênes, l'eau est calme. Il y a la protection de la presqu'île. Le vent passe par-dessus ; un peu de repos semble une bonne idée. Soleil sur la falaise, nuages qui passent. Abri.

En bas à gauche il s'agit d'une vue plus resserrée du sable de la plage, sur laquelle au niveau de la laisse de mer se promène et prospecte une corneille. Coquillages et petits crabes à manger. Elle progresse, se dandinant d'une patte sur l'autre, avance tranquillement vers moi qui suis assis sur ma serviette de bain. Elle me contourne d'un court vol noir comme le corbeau de Winslow Homer, ou comme un Soulage vu de près. Je pense à son intelligence et à son gros bec. Noir /jaune.

En bas à gauche une retenue d'eau avec un mur sur lequel deux aigrettes se chamaillent bruyamment et dansent, presque comme des grues couronnées. Mais c'est querelle territoriale, et non parade nuptiale ; figures de ballet et crêpage de chignon. Élégance de la tenue blanche sur fond de miroir, matin sans vent, reflets et poissons, petit mulet au menu. Des balises à triangle jaune donnent une touche de couleur humaine mais abstraite ; elles délimitent un espace qui porte aussi la pensée ailleurs, vers les pointes ou les profondeurs. Neptune est-il derrière ce décor japonisant ? Blanc/argent.
Voici mon œuvre achevée. Pas de cormoran hiératique. Pas de sterne qui plonge où dort sur une bouée ; pas de balbuzard pêcheur, d’ailes planant dans le vent. Une autre fois peut-être. Pinceaux rincés. En attendant il faut trouver le cadre, et où accrocher ce tableau.


Pascal Legrand

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