L'ART DU PAYSAGE 2017-12-12



Ici c'est par-delà la dune.
Ailleurs il y a des rochers.
Mais c'est toujours une côte sauvage.
Les vagues atlantiques se blanchissent en rouleaux. L’espace se redéfinit à chaque tempête mais le vide et le vent restent, avec des alternances de calme. Dans les sables mous, le long de longues baïnes ou dans des champs de marmites énigmatiques, les vides se renouvellent et l'océan veille par quelque écume, et oiseaux en sentinelles, surveillant les présences humaines.
Le sable se déplace en hordes de grains qui volent, s'éclaircissant en jaune léger où s’érodant en falaise et canyons. Il se tasse aussi en gris, compact, dur, et abrasif, lisse pourtant et reflétant les cieux bleus et blancs de cumulus, de grains (de pluie) qui passent, traîne active. Il y a des indices de lecture dans les ajoncs du sommet des dunes, des esprits de forêts de pins disparus, des grumes échouées ayant voyagé, quelques bouées échappées couvertes d'algues et de pousse-pieds, et bien sûr, moins poétique, divers plastiques, emballages, traces de ce que l’on nomme « civilisation ». Les hommes sont quelque part.
« Land art ».
Des traces de pas, des traces de roues, des trajectoires marquent des virginités perdues. Un doigt rouge et blanc de phare tente de définir un territoire, pour quelques temps encore. L’éclat du pinceau du phare porte loin au large, mais le non-voyant a besoin de grosses lentilles ; on l’aime pour sa myopie, sa rambarde, son colimaçon de nautile ; il est le point d'exclamation de la bande dessinée. à ses pieds les blocs de béton, « Land Art » encore, un peu particulier, de souvenirs pas si lointains, quand guettaient des torpilles à l'embouchure de la grande rivière. Banc de la Mauvaise et fort courant, au sud Cordouan, déjà ailleurs.
Au nord, comme un yoyo qui monte et descend sur la carte, mouettes et goélands d’idées qui parcourent la crête, l'esprit butte sur un étroit passage qui isole une ile par un pertuis dangereux, au péril des bancs changeants.
Virage lent au Sud, une anse. Courbe marquée au nord, ou la violence du trait interrompu se sent dans l'air, portant les âmes des hommes noyés de Maumusson. Grande bouée rouge et blanche inclinée, sillage turbulent, pentes raides des rives, déferlements.
Entre ces deux bornes il y a des lumières, des reflets couleur de mercure qui fluctuent hors de la forêt. Il y a des traces de pare-feu, puis une légère cassure, une zone éphémère, presque évanescente tant sa permanence est ailleurs. Est-ce pour autant un petit néant ou une interrogation ontologique ? Le nomade peut-il se réfugier dans un questionnement du Tao ou dans une dérive philosophique ? Peut-être pas car le sable irrite vite les yeux, si vent il y a. Le chaos de la nuit des origines n’est pas loin, surtout l’hiver. La nature décide.
En cas de calme les houles jouent leur musique déroulante de tubes transparents et de mousses immaculées, de hauteurs et de périodes variables, petits métronomes horizontaux qui tapent sur la tête des petits hommes-canards attendant le bon moment pour saisir un instant de temps, glissant fièrement vers des fins certaines.
Sur les étendues d’estran restent les pierres polies jaunes, blanches, marbrées, et des coquillages vides. Rien ne vous empêche de monter quelques empilages petits kerns inutiles, afin de ne rien marquer d’essentiel.
« Land art »
Je cherche un leitmotiv, une répétition qui disparaît dans le désert, dans les airs et dans les eaux. C’est suffisant, voire nécessaire.

Peignés par le vent
Sourcils de côte sauvage
Cheveux des dunes

Oyats en brosse
Coiffure indien Iroquois
Nord novembre froid

Circonvolutions
Baïnes sculptées de marmites
Courants de marées

Miroir de la mer
Reflets mercure argenté
Ciel de nuage
(Petit décollage)

Grains tapis soufflés
Pins tordus en poils de cul
Puis joncs frémissants


Pascal Legrand

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