PAS DE PHOTOS SVP 2016-03-04 Deux semaines de passées. C’est maintenant que j’ai envie d’écrire au sujet de mon vol. Un peu parce que je n’ai pas de photos (appareil oublié dans la voiture), un peu parce que j’ai vu l’excellent film « Libres comme l’air », qui essaie de répondre à l’éternelle question « Pourquoi ? », et aussi parce qu’un ami a parlé du côté subjectif du vol. Comme on dit aujourd’hui : « ça m’interpelle ». Je veux aussi compléter ce que j’ai déjà écrit il y a quelques années :http://tigouille.free.fr/lire.php?id=300. Promis, j’essaie de retrouver ma traduction plus tard… Pour moi il ne s’agit pas de record ni de performance. C’est un vol que je voulais faire il y a plus de vingt ans. Quatre kilomètres de dune en bord de mer. Aucune difficulté : il faut juste un vent de bonne force et direction pour faire la mouette. « Bon endroit, bon moment » : je veux dire que nous évoluons dans la quête de l’idéal, de l’éphémère, de la connaissance qui donne à fois le pouvoir d’exploiter les forces de la nature et la conscience des limites qui accompagne la crainte d’aller trop loin. Y a-t-il une vague parfaite pour le surfer ? Quand devient-elle dangereuse ou mortelle ? Ne pas manquer trop de bonnes journées est le signe de la sagesse, d’une philosophie et d’une hygiène de vie. L’alpiniste qui s’élance dans son ascension dit qu’il le fait « parce que la montagne est là ». Le pilote quant à lui veut voir l’autre côté de la montagne, ou plus loin que l’horizon dans la plaine. Quand c’est possible nous aimons partager le chemin, et après aussi les boissons qui vont avec les récits. Je n’ai pas la trace GPS de mon vol, et donc pas la vitesse à l’instant T. Mais je me rappelle bien avoir frotté le sol, être remonté au raz du sable, dix centimètres par dix centimètres, vers le haut, et avoir pu aller en avant au-dessus de la plage pour ouvrir le paysage. Je revois mes essais de décollage d’antan avec du matériel bien moins performant ; le passage du temps m’a permis de surfer les vagues, de naviguer en char à voile jusqu’au bout du terrain possible, en déjouant quelques pièges de baïnes et de rafales. Devant moi le banc de La Mauvaise, à l’embouchure de la Gironde ; je suis sur un petit voilier revenant d’Espagne qui ne devrait pas se trouver près de cette bouée, mais plus au nord, et me tournant aujourd’hui vers le nord je vois le pertuis de Maumusson, ses courants, ses bancs traîtres et mouvants, avec à l’intérieur le mouillage abrité, survolé l’été dernier à deux cent kilomètres/heure à bonne altitude. Contraste. Je n’ai même pas la vitesse d’un cheval au galop. Je suis le cerf-volant qui joue avec le vent ; en souplesse je rebondis sur le matelas d’air, en arabesques qui écrivent une histoire de grains de sable, de coquillages, d’algues, de bois flottés, accompagnés de quelques plastiques et déchets du golfe de Gascogne amenés par les coups de vent. Au large, des chalutiers, des cargos, des tankers passent lentement. Le phare de la Coubre dresse son doigt rouge pour dire « attention ! ». Le bruit des rouleaux est constant. L’éclairage a ce filtre d’écume légèrement soulevée qui enlève la dureté de la lumière et donne cette atmosphère de mélange entre mer et terre qui compose un tableau changeant qu’il m’est impossible de peindre. A l’occasion il faut bien qu’il reste une petite frustration ! J’ai marché sur le sable mou et décollé seul en bas ; la magie de l’ouest et de la technique m’a pris et porté comme un bonze rapide ou un bouddha inspiré. Un geste des mains, un cambré du pied et puis la sensation de quitter le sol. Elévation. Lévitation. J’ai déjà expliqué ceci et je ne veux pas me répéter (http://tigouille.free.fr/lire.php?id=80). J’ai rencontré deux autres papillons, pour un plaisir à partager dans l’instant, un court moment où nous parlons bien du même sujet. J’aurais pu me poser près de Saint Saint-Saint-Exupéry ou du Petit Prince. Le renard n’était pas loin. Mais je n’ai pas vu le dauphin joueur. Le vent qui baisse un peu me dit qu’il faut rentrer. J’arrête de flâner. Ligne droite vers loin là-bas. La voile s’affale pile au milieu du passage d’accès. Mission accomplie. Pliage. Marche. Voiture. Pluie. Satisfaction. J’ai longtemps attendu. Je l’ai eu. Comme pour d’autres choses je vais me demander « pourquoi maintenant ? » vraisemblablement je n’aurais pas la réponse. J’ai une case de plus de cochée dans mon carnet (avec de l’eau sous le pont depuis celle du vol de plus de deux cent kilomètres en delta souple …), une feuille qui a changé de pile. Pourtant rien n’est fini jusqu’à la fin. « Bucket list » en anglais… je me demande ce qu’un seau vient faire ici (before you kick the bucket). « A leap of faith » peut-être, mais là je mélange (saut, seau), je m’égare et je m’éloigne du sujet. Je vous laisse donc continuer seul(e). Bon vols ! Pascal Legrand Visiteurs : 312 Retour à l'accueil |