L’ÂGE DU NUAGE 2014-11-02



Le jeune cumulus pointe vers le haut comme une flèche indiquant la direction à suivre ; il est au sommet de l’ascendance. Il est actif, alimenté par les différences de température terrestres. Il vit ; Il meurt lorsque l’équilibre est rétabli pour un temps, ou bien il évolue, grossit, se surdéveloppe en congestus puis cumulonimbus.
Comment ne pas évoquer la chute du pétale de la fleur de cerisier, au Japon ou ailleurs ? C’est l’éphémère d’un petit nuage qui semble voleter, dériver au vent, se poser au hasard. C’est juste une question d’échelle.
L’avantage du nuage est que je peux en faire le tour en volant : je peux traverser les barbules et rentrer dans son espace un court instant. Comme le marin au large je perds la terre de vue. Les références changent, temps et espace se mélangent. La terre s’évanouit, et si le nuage aspire, même la pesanteur est remise en question. Je risque de monter avant de retomber désorienté et gelé. Je reste donc toujours sur le pourtour. La périphérie se visite, ce qui évite les ennuis. Le compas peut faire ses 360 degrés et je suis sur un manège, carrousel aux chevaux montant et descendant, ondulant autour de leur lanterne magique (lumière noire). Quelques surfaces de glaces ou de lacs lancent des éclats par les meurtrières, les ouvertures des échauguettes du château volant ou flottant, à la Miyazaki. Je vais faire attention à ne pas percuter la princesse. Vais –je croiser quelque migrateur majestueux qui me confirmera d’un clin d’œil que je suis sur la bonne route, sur la rue de nuages qui mène au bout de la grande plaine ?
J’aime bien voir la montagne au loin. Je ne crains pas le volcan éteint, le puy ou même le mont Fuji.
De l’autre côté, au loin du regard, la mer.
Le nuage est miraculeux. Il apparait là où il n’y avait rien auparavant. Il apporte l’eau qui apporte la vie, et la mort dans ses excès. Il alimente les fleuves qui se jettent dans la mer. Qui vient donc en premier de la mer ou du nuage ? Dans le cycle de l’eau le cercle n’est –il pas un de nos plus vieux symboles, avec transformation et réincarnation vers le nirvana? Dieu sur son petit nuage. Il est partout et nulle part car c’est une image de dire qu’il habite à l’étage. Il ne peut que couler de manière immatérielle, fluide, invisible, inodore, incolore. C’est l’esprit du lieu, le neurone unique et codé des connections mystérieuses. Je cherche le haricot magique et l’échelle de Jacob, la tige qui monte aux incantations de faiseurs de pluie des tribus indiennes des pueblos. Sur les plaines arides les nuages passent, défilent au gré du vent qu’ils contribuent à dévier, adonnante, refusante ; le chemin le plus court pour remonter au vent dépend de votre position sous le nuage. Son ombre glisse aussi bien sur les crêtes marines que sur les arrêtes rocheuses, déclenchant parfois après son passage des diables de poussière.
« Je suis sur un petit nuage ». Je me sens léger, assis sur de la ouate, le temps est serein. Anticyclonique ou ciel de traine ? J’ai l’impression que le monde m’appartient. Je profite de l’illusion dont il restera une trace de plaisir une fois redescendu sur le plancher des vaches. J’espère ne pas me réincarner en bouse. Je serai ermite mystique sans aucun doute, et je resterai assis le matin à contempler une mer brume ou un océan de verdure.


Pascal Legrand

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