VÉLARTISTE 2013-11-24



Artiste ? Parfois un peu comme monsieur Jourdain, grâce aux lectures des critiques artistiques qui apportent leur vision du comportement humain. Je vais essayer de vous expliquer comment.
Dans l’art il y a de l’image, du texte, du mouvement. Ce qui veut dire point de vue, cadrage, lumière, style, texture. Une technique en somme, un discours, un équilibre.
L’objet, la bicyclette dans son jus, est une œuvre d’art, même industrielle et rouillée. Bois, métal ou carbone, peu importe. Roue, cadre, carénage à l’occasion sont des éléments à choisir, à assembler, à peindre. Sculpture.
Mode d’emploi : littérature ; Antoine Blondin, Eric Fottorino.
Le pédalage fait passer de la statique à la dynamique. La lumière change, l’air s’agite, sensations et cheveux au vent. Perception de la nature du sol, de la vitesse, des battements de cœur. Mise en place du processus automatique d’effets gyroscopiques, de forces centrifuges, de gravité…
L’itinéraire implique des prises de décision, des orientations. Des géométries interviennent : lignes droites, boucles, angles aigus, faux plats… Le cycliste s’assoit et c’est comme si le penseur de Rodin se mettait à bouger. Il s’installe sur sa machine, prêt à explorer les champs catégoriels du possible, ou à aller chercher le pain. Certains escaladent les montagnes, d’autres traversent les continents.
Ils ont des ombres qui les suivent sur les talus, soleil rasant. Ils ont des reflets fluctuants le long des canaux, des angles dans les virages enchainés des sous-bois percés de barres de lumière. Chaque saison a son cadre, instants privilégiés comme des haïkus.
L’objet s’allie à la dynamique de l’individu. Là est la création, la vie, l’instant qui vaut la peine. Il y a l’art brut et la peinture anglaise (Gainsborough, ou l’école de Barbizon), bucoliques, rivières et champignons, Shimano, Campagnolo.
Ou bien Street art. Freinage et décélération.
Rencontres. Si possible sans trop de rouge-sang et sans trop de chocs. Plutôt rouge à lèvres rares. Ambiguïtés. Du langage. Des mots. Des cadres.
Les héros et les anonymes qui passent laissent un petit sillage dans l’air qui se referme. Les molécules s’agitent, les atomes frémissent, un électron s’échappe. Le vent tourne, le soleil chauffe, la pente est là. Bruyère.
L’art a parfois des odeurs de goudron, de café ou de sandwich au jambon. Il faut que l’artiste s’alimente. Que ce soit en atelier ou »in situ », « ready made », »dripping » à la Pollock ou séries à la Warhol, il y a toujours la plume pour raconter. Une galerie de photos. Un montage de film. Choix du sujet, du temps d’exposition et de récupération, des protéines, des sucres lents. Mise en page. Le temps, la pierre, le mouvement. L’art est un message codé. Il peut faire avec un spectateur, mais il peut aussi juste en rester là ; à ne rien faire. La beauté est dans notre regard ; ou pas.


Pascal Legrand

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