ATMOSPHERE ? 2012-07-12


Quand revient la saison des vols sur la campagne, je me remets à boire. Pas de désespoir, simplement de soif. Le plus souvent, je plie mon aile en plein milieu de l'après-midi, ayant fait quelque erreur tactique qui m'a contraint à me poser. Donc, il fait chaud et je sue sous le soleil. Ensuite, il y a cette petite marche qui conduit au village. C'est à ce moment que le plus grand champ près des maisons s'avère toujours finalement un peu plus loin qu'il n'y paraissait vu du haut. La marche est aussi un sport avec le sac sur le dos, et je fais bon cœur contre mauvaise fortune. Bien sur, j'ai perdu, peu auparavant, le contact radio avec la voiture. J'oublie les kilomètres et la facilité du portable pour préférer l'aventure et les rencontres. En général, il me faut bien deux panachés pour me remettre de tout cet exercice.

Le café de campagne est une espèce en voie de disparition. C'est un lieu plein de fraîcheur et de charme, avec ses tables en bois, ou en formica dans le style moderne années 60. Il y a toujours des tables libres. Parfois un personnage haut en couleur bien que peu porté sur les habits fun, un ancien, sirote son verre de rouge au comptoir. L'autre jour, la "barmaid" ou plutôt la patronne ressemblait à l'actrice qui fait quelques mimiques avec une voix un peu pointue, Dominique Lavanant. Elle avait quelques années et quelques kilos en plus, mais le rouge à lèvre, la coiffure et le sourire étaient dans le style.

Un peu dans le genre "alors mont p'tit gars, comment ça va ?". Derrière elle, le choix de cigares est limité ; il n'y a pas de Davidoff. On peut faire sans malgré tout et sans problème.

Le sac est dehors sur le long du mur, au cas où une bonne voiture passerait par hasard. "Y a pas de voleurs ici", on ne me l'a pas dit mais j'en suis sûr. Le coq du clocher tourne avec le thermique qui passe. Mais le vol est fini. C'est maintenant une autre histoire.

Café bar-taxi, parfois ambulance. "Chez Monique, café de place, de la mairie ou de l'église". L'enseigne à elle seule mérite souvent la photo. Je regrette de n'avoir pas marqué les noms sur mon carnet de vol. Bien sûr, mon verre à la main, je me sens un peu zombie. Les subtilités de l'ascendance ne sont pas toujours connues au milieu de la nature profonde, même si les buses tournent au-dessus des tracteurs. La discussion du potentiel de la journée et du choix des options sera pour plus tard.

"Non, ce n'est pas la panne d'essence, je n'ai pas de moteur !". D'où que vous soyez venu la performance est toujours valorisée : forcément, c'est loin sans moteur. Ah les facteurs de la performance ! Frustration de s'être arrêté ici, et satisfaction de n'être pas au milieu de nulle part, avec qui sait, une cheville de travers, à contempler un calvaire marquant le carrefour où il ne passe jamais personne.

Le hasard fait son possible pour m'aider : la fille de la maison repart vers le décollage, et je profite de la voiture (seulement). Il y a aussi l'homme, jeune, qui a vu des ailes décoller dans les montagnes et qui me dépose sur la bonne route. Je trouve plus de gens de bonne volonté et sympathiques que d'indifférents. Ce n'est pas le luxe du posé à la ferme ou au château, avec dégustation des produits locaux ; néanmoins, le café est une scène distrayante dont je suis l'acteur exotique. Je fais de l'improvisation en fonction du public. Avec le sourire, je rattrape mes gaffes.

L'homme des villes trouve toujours le village désert. Après l'adrénaline du vol, le calme et le silence me tombent sur le dos. Puis, je retrouve la parole de l'autre. Comme si je sortais du métro Alésia et qu'il n'y avait personne sur la place. Je traverse vers le café refuge et je retrouve l'univers des humains en quittant celui des oiseaux.

Le vol dans la tête, la marche dans les pieds, la fatigue dans les bras. Nous vivons dans un monde bien étrange. Pourvu que ça dure !


Pascal Legrand

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