L'ERMITE D'ICARE 2009-01-22




Il faut parfois mettre fin aux légendes. C’est un peu triste mais la soif de vérité l’emporte parfois, même au plus profond des forets du centre de la France.

Certains prétendent avoir vu des lutins dans le massif couvert de sapins, lesquels lutins, trolls, elfes, korrigans ou que sais-je encore tenteraient de piéger les hommes ailés qui s’aventurent parfois trop près de leur domaine.
La réalité est toute autre.

Elle va de paire avec l’isolement de la région, favorable à la naissance de certaines idées qui s’éloignent du courant de la pensée dominante. On ne peut pour autant parler de secte. Tout au plus s’agit-il d’individus qui souhaitent mener une réflexion sur leur mode de vie, et sur le véritable sens des réalités. Ce sont les héritiers d’une longue tradition, celle du « lung-gom », ce qui veut dire en tibétain « contemplation du ciel, médiation de vent, réflexion aérienne. Traduire le concept dans notre langue est difficile, car le mode de pensée et la vision du monde ne se recouvrent pas complètement d’une langue à l’autre.

Je connais personnellement quelques membres de ce groupe difficile à approcher. Il s’effarouchent facilement et s’envolent si l’on commence à leur parler. Il semble qu’ils aient peur du poids du passé. Ils souhaitent probablement s’en libérer comme on se libère de la pesanteur, pour aller plus haut et plus loin. Car en regardant en arrière, ils se voient trop terre à terre, trop engrenage et numéro dans le système.

« Envole toi » murmure la voix. Mais une pratique du rite et d’une discipline sévère est nécessaire avant même d’atteindre les pré-requis, ou les champs vachables.

« Envole toi », revient comme une litanie, un psaume psalmodié par le vent dans les aiguilles des roches dures, dans les couleurs obsolètes des mélèzes décidus, et mème dans les rondeurs des volcans éteints. La nature parle, mais seulement à ceux qui savent écouter. Tandis que le train de la civilisation siffle dans le lointain.

Il y en a un qu’on appel Devin : c’est un peu le chef, mais pas vraiment. En fait, 2-20, c’était son matricule dans une autre vie, donc rien à voir avec des pouvoirs divinatoires, à la rigueur peut-être avec le pinard car on l’a déjà vu entre deux vins. L’histoire est floue, mais il semble qu’il ait lancé le mouvement. Ses voyages dans des pays idylliques lui ont-ils ouvert la route de la sagesse ? Il est possible qu’il ait connu les mages des tropiques et les divinités des glaces. Du feu du volcan à la banquise transparente ou opaque, il a roulé sa bosse. A l’occasion, quelques explosions (voir « l’affaire Kanter », du même auteur) suivaient sa trace… Qu’il cherche la paix n’est donc pas si surprenant.

De retour sous nos latitudes, il s’est intéressé à ce que l’on peut appeler l’ultra-vol, à base de vol, et de technique de méditation. Le but est d’aller ailleurs, plus loin, tout en restant sur place. Il n’est de voyage que de l’esprit. C’est un travail d’athlète spirituel, de spiritualité athlétique. Il est nécessaire de ne faire qu’un avec la montagne et avec la nature, tout en respectant l’environnement et les moutons, au bord d’une onde pure. Léger tel un oiseau sur la branche le disciple se rapproche de la cime sans l’effleurer, sauf par la pensée. Dans la tension créée par ce rapprochement, le courant passe dans la couche limite d’écoulement laminaire, pour créer comme une portance poétique.

Avagarika Govinda. Le coureur sur le chemin des nuages blancs.
« Envole toi ». Ce n’est pas évident, mais c’est possible. Les lapins bondissent bien d’une touffe à l’autre. Les zèbres filent comme le vent.

Anachorètes thaumaturges*.
A vous, mes frères, amis des branches, nous trouverons notre chemin, loin des sarcasmes, des sargasses qui agassent ; nous nous rapprocherons de l’éther sans en respirer les vapeurs, alors que les panaches de la Pacific 231 sifflant au sortir du tunnel du temps se formeront en volutes ascendantes, et nous porteront aux nues, bien vêtus quand même pour ne pas prendre froid.

Anachorète thaumaturge.
C’est celui qui le dit qui y est. Et au diable les airs contraires.





• lexique SNCF : anachorètes = ermite ;
• thaumaturge : qui fait des miracles

pascal legrand


Pascal Legrand

Visiteurs : 302

Retour à l'accueil