PASSAGE 2008-04-17

PASSAGE


Je vois entrer la rame de métro
Elle freine, elle souffle et ouvre ses portes.
Et son cœur.
« Je suis pas gaie » me dit-elle
C’est ennuyeux pour une rame, même si beaucoup de gens ne voient pas la différence
Pagaie ou Rame

C’est à cause des tunnels où je manque d’air. Je perds mon air
Et ça me donne le vague à l’âme.
Rame ou Ame

Des fois même, je touche le fond, dans le noir que je broie.
J’ai le cafard à couper au couteau, avec la lame de fond.
Quand elle se retire, il ne reste rien sans elle.
Que du jus de cafard jaune, le jus,
Et l’écho du fond du tunnel comme un jusant.
Phare, fard, farfadet, cafard fade
Avec la distorsion du son à la fin
Et la lumière du wagon de queue qui scintille, vacille, et puis rien.

« Je suis pas gaie. Je manque de dame »
De nage. Evidemment. Nul ne s’en offusque.
C’est pas le tolet général. Je vois bien que les passagers s’en moquent.
Bronze et laiton.
« Elles n’en font pas une rame, les dames », disent-ils
Et paf, ils me donnent un coup de pagaie.
Laisse à l’eau
L’eau est sale
Pollution
« Nage, Nage, » me dit une voix intérieure,
Il faut suive ta voie, même étroite.
Chanel ou Channel, mon canard sur mon canal.
Du moment que le wagon de queue ne reste pas en rade, ça roule.
Mais il décroche parfois et flotte entre deux eaux zébrées, irisées.
Comme Courbet et Maupassant, Il dérive au long des îles,
Il jette l’ancre en Seine, entre les ponts aériens,
Mouille à l’abri des vents fripons,
Et sur le quai délivre sa cargaison.
Les matelots débarquent vers les guinguettes, mais quand sonne la cloche,
Ils sautent dans le canot, la larme à l’œil, puis se mettent à souquer ferme.
Sur les avirons. C’est l’aviron qui nous mène mène.

Mais trop, c’est trop. Je reviendrais plus tard voir ce qu’il en est
De votre ramage.
Fermeture des portes
Pschuut, Cling, Clong. Vooooooou
Une triste rame s’en va sous la voute.


Pascal Legrand

Visiteurs : 258

Retour à l'accueil