RENCONTRE 2008-01-11

RENCONTRE DU Xième TYPE


C’est une blonde de taille moyenne à la peau de porcelaine. Elle a les traits fins. Plutôt jolie en fait. Dommage qu’elle soit étendue au long de la chaussée, l’œil un peu glauque, la tête sur l’herbe, les cheveux emmêlés.

James me dit
- « Ne t’inquiète pas, je vais la réveiller.
- Est-ce bien nécessaire James ? Une si belle Ophélie allongée ainsi alanguie… Après, elle va se mettre à parler…
- Il vaudrait mieux quand même. On ne sait jamais en cas de traumatisme crânien, ce n’est pas le calme de la campagne qui va l’aider à articuler. »

James pose délicatement sa main sur son cœur, à elle, lequel est situé sous une rondeur.

- « Elle vit encore, susurra-t-il sobrement
- Pourquoi crois-tu qu’elle a ainsi fait demi-tour, mis son cheval au galop, puis sauté ? Pour nous tendre un piège ?
- Une histoire de belle au bois dormant remasterisée. Elle Jane, moi Prince charmant sur fougueux destrier, enfin un truc dans ce genre là.
- Tu te fais des films. Elle a juste lâché la bride, perdu le contrôle, vidé les étriers. La chute. »
- Le KGB et Voldemort réunis ne pourraient pas savoir que nous allions passer ici. Le savions nous nous mêmes ? Allions nous trop vite ?
- « Mais non, c’est juste que tu es très bas sur ton vélo, alors le sol défile. Accroche le bien au radar pour qu’il ne se défile pas, sinon tu vas aussi mordre la poussière du goudron.
- Je te trouve un peu étrange depuis que tu as ce petit vélo aérodynamique dans la tête. Mais bon, mieux vaut cela que l’alcool au bar, surtout sans tabac. »

En attendant, notre écuyère en or capillaire reprenait du poil de la bête. Sa mâchoire crachait aussi un peu de terre dans un mouvement spasmodique, un peu hip hop peut être.
C’est quand James a parlé de sa culotte de cheval qu’elle s’est réellement redressée.

- « Ce n’est pas une culotte de cheval, c’est une tenue d’équitation. »

-Nous sommes rassurés d’entendre le son de votre voix (plutôt que craquer votre corps craquant, pensai-je également irrévérencieusement). Mais nous avons notre mission. Nous aimerions comprendre ce qui vous est arrivé, avant de nous remettre en route.

- « C’est bien simple, mes seigneurs, je portais ses deux tranches de jambon, une baguette et un pot de confiture de myrtille à ma grand-mère. Je rêvassais un peu. Je fais toujours confiance à Centaure, il connaît le chemin, et lui me fait confiance. Ainsi, rêvassant tous les deux, nous ne faisions plus qu’un et nous quittâmes momentanément ce monde où 1 + 1 = 2, en général. C’est alors que deux loups sont apparus sur la route, féroces, gris et rapides, le poil luisant et les yeux fixés sur leur proie, et leur proie, c’était moi. Et je crois que c’était vous ? A ce moment, tout est devenu confus et je suis redescendue, assez vite, sur terre. Le plancher des vaches m’accueillit, sans bouse, et mon œil distingua bientôt vos chausses curieuses qui s’approchaient en égratignant le sol (qui était là aussi) tandis que dans ma tête résonnait encore une petite musique à trois notes (vous en avez déjà deux). On m’a déjà dit que pour une blonde, c’est normal d’entendre des cloches, mais je ne m’y fais pas. Et en plus un homme m’a demandé si je voulais le faire à cheval. »

Son sourire venu d’ailleurs nous a conquis, tout comme sa vérité, sa sincérité. Ça ne pouvait être un piège.

James lui dit que nous devions rouler avec Maestria, une italienne (brune), mais qu’elle n’avait finalement pas pu venir. Il commençait à lui raconter des histoires pour l’embobiner et lui poser des questions, tant et si bien (comme on dit chez les coiffeurs), qu’elle finit par lui demander :

- « T’es de la police ?
- Oui, répondit-il du tac au tac, tu veux qu’on aille en discuter avec mes collègues au commissariat le plus proche ? »

Là, généralement, ça calme. James réagit parfois un peu vite.

- « Mais, dites-moi, vous ne portiez pas de bonde ; ça n’est pas un peu risqué ?
- En principe, je suis avec une bonde sympa, sauf pour le poney de nuit, que je pratique seule. Mais aujourd’hui, j’ai trouvé qu’il faisait trop chaud, et j’ai pensé qu’il fallait débonder.
- Moi aussi, vu les circonstances, dit James, toujours prèt à abonder dans le sens d’une blonde
- Evidement, quand j’enlève la bonde, je me pose la question de l’écoulement. Coriolis a-t-il vraiment raison ? D’habitude, je mène une vie d’ange. »

Je voyais bien qu’elle essaie de nous égarer.

- « Revenons à nos chevaux. Heureusement votre monture ne s’est pas figée de peur au milieu de la route, sinon j’aurais pu vous embrocher, vous embomer.

- N’ayez crainte. Je ne suis pas encore prête pour le sarcophage. Je suis désolée de vous causer tout ce tracas.

- Oh, vous savez, dans notre métier, nous sommes habitués. On nous prend souvent pour des extra terrestres, ce qui nous cause parfois quelques ennuis.

- Le cheval a dû rentrer à l’écurie. Je vais appeler ma mère pour qu’elle vienne me chercher. »

Même les blondes ont une mère. Son sourire un peu égratigné du minois était touchant. James et moi étions déjà presque sous le charme, tout en restant à l’ombre du chêne, comme des cyclistes.

- « Au fait, est ce que vos selles sont dures ?
- Nous les appelons des sièges, tant leur confort est grand, même pour les bains. »

Elle sortit son téléphone portable rose et appuya sur une touche.

C’est à ce moment que nos vélos ont explosé avec tous les dossiers secrets.

C’est bien ce que James disait : « Avec notre position, ça endort un peu la vigilance. »

Somnolence.


Pascal Legrand

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