NO X SULPICE GREEN GOAT 2007-10-12


L’agent Mike T., un buveur de thé malgré son casque à grille de baseball était rentré d’Afrique du Sud. Les affaires avaient du bien marcher car il avait changé sa vieille Volvo rouge contre un Quattro quattro japonais.

« J’ai déjà ensuqué des Yasukas, » nous dit-il, » mais non, aujourd’hui, je crois qu’il y a trop de vent. Je vais plutôt taquiner le gardon ».

Faut dire qu’il s’adapte bien à la campagne française, le bougre, comme tous les anglais.

Miminator assurait sa couverture perso en plantant une haie, mais il accepta la mission.

Nous allions faire l’entraînement ensemble pour le NO X Sulpice Green Goat.

La dernière boisson à la mode sponsorise en effet ce défi unique consistant à survoler les arbres le plus bas et le plus lentement possible sans pour autant pénétrer au sein de la canopée tentante. Forcément, y en a qui s’entrainent sur canapé, surtout les cailles. Push backtrack : return to sheep and champignons.

Je ne le sens pas si motivé le Mimi. Après le gang des frigos et l’affaire Kanter Bro ‘o’, je sens bien qu’il se méfie des Deal’O.

Daddy’s always right. Je décolle. C’est moi qui m’y colle. J’évite le grille pain qui grésille’O. Je transite sans transiger sur la balise et je rentre plus lentement face au vent. Je me méfie toujours, mais quand même, c’est bon, bleu et brumeux.

Mimi travaille son style. Je sens qu’il apprécie, un peu surpris que les conditions soient finalement favorables.

Sous nous, dans le chemin caillouteux, les quelques chèvres vertes du sponsor venues en reconnaissance lèvent des yeux admiratifs, effarouchées soudainement par le sifflement du train qui passe au loin, là-bas, dans le fond de la vallée, sous le tunnel. C’est là qu’il sévit, le monstre des profondeurs du noir, programmé pour nous détruire. Il est parti comme sur des rails. Je crains que pour nous, la retraite soit la seule issue. Nous nous battons comme de beaux diables en crachant le feu de nos semelles de vent. L’écran clignote « mode actif activé ».

C’est décidé. La mission continue en bas, vers le bout du tunnel. Trop short-petrol altitude pour le haut. Coucougnes trop rétrécies pour taquiner le triangle moussu du déco. Mimi répète le message « pas de distance » et commence son rap prestance.

Au fond de la jungle, il est là. Il chante version rock « le lion est mort ce soir ». C’est notre terrain de brousse. Banzaï et flamenco. Mimi s’y jette après moi, un œil sur le trou noir aux caténaires luisantes comme des verts de chèvres, moisi depuis des semaines, bactéries gigantesques prêtes à vous dévorer. C’est vrai qu’il y a des arbres, mais il s’en tire pavillon « O ».

Et là pour la suite, je le sens motivé. « Orange girolle, montre nous tes corolles, on n’est pas des voiles molles ». Je suis, à mon grand regret, parfois obligé de lui rappeler certaines des réalités de la vie. Sinon, nous ne serions pas là. Il comprend très bien.

Mes pieds glissent sur les mousses, ripent sur les pierres, s’enfoncent dans les trous, se coincent dans les interstices. Les branches me fouettent le visage. La sueur coule. Mais nous progressons, cachés par des restes de murets de granit, utilisant les irrégularités du terrain, où le bois bleu se décompose lentement. Une ou deux châtaignes de temps en temps suffisent à nous nourrir. Comme les dattes dans le désert. Il faut rester à couvert. Surtout pour les mots. Veiller à ne pas alourdir les mollets, pour garder la jambe légère et la foulée aérienne. C’est ce qu’ils disaient au briefing.

Mimi tire droit dans la pente. J’entends le bruit de la déflagration. Il profite de sa supériorité numérique (un altimètre à 2 chiffres acheté dans les Alpes à Digital Paradise). Je le suis péniblement sous les sapins dont on fera mon cercueil vu l’infarctus que je ne vais pas manquer de faire à ce train d’enfer.

Train, vous avez dit train. Je savais qu’il était là. Sorti du tunnel comme une grande lumière très vive. J’ai la sangle du sac qui me comprime le coté gauche. Décidément, je boirais bien une petite canette de Green Goat. O’ pression !

Je sens bien que la fin est proche. Comme dit nom pote Bernard « le combat fut rude ». J’arrive à la barrière. C’est comme un passage à niveau. Sauf que c’est ouvert. Je vois vert. Mimi se penche sur moi et me dit : « Tu es le seul homme au monde à avoir tant de fois gravi cette colline après avoir volé, et personne ne peut t’enlever ça, à cet instant ».

Merci.


Pascal Legrand

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